In just a week, the European judiciary has lost two of its most relevant and brilliant voices, and MEDEL saw the departure of two of its founding members: Christian Wettinck and Salvatore Senese.
In this sad moment, MEDEL pays tribute to these exceptional magistrates and pledges to keep building what they fought for during their entire lives: a Europe of Justice and Solidarity, where Human Rights are respected and where the most weak are protected by a truly independent Judiciary.
The current members of MEDEL will always follow their example and through our actions and our continuing struggle, Wettinck and Senese’s life and thoughts will forever remain with us.
FR —————————-
En une semaine, la justice européenne a perdu deux de ses voix les plus pertinentes et les plus brillantes, et MEDEL a vu le départ de deux de ses membres fondateurs : Christian Wettinck et Salvatore Senese.
En ce triste moment, MEDEL rend hommage à ces magistrats exceptionnels et s’engage à continuer à construire ce pour quoi ils se sont battus tout au long de leur vie : une Europe de la justice et de la solidarité, où les droits de l’homme sont respectés et où les plus faibles sont protégés par un véritable judiciaire indépendant.
Les membres actuels de MEDEL suivront toujours leur exemple et à travers nos actions et notre lutte continue, la vie et les pensées de Wettinck et Senese resteront toujours avec nous.
CHRISTIAN WETTINCK
We have just learned, with great sadness, of the death on June 23rd, of Christian Wettinck, Belgian honorary magistrate, the first president of MEDEL (founded on the 15th and 16th of June 1985 in Strasbourg, France).
Here’s how Christian Wettinck – president of MEDEL from 1985 to 1989 – presented the creation of MEDEL:
“For a long time the judges and prosecutors remained loyal, with a few slingshots, to the successive powers of which they were auxiliaries, draped in pageants, intended to inspire fear in the people, and silent. They had little more history than the illiterate peoples: some funeral celebrations. History came to them when they took the risks of voluntary association and critical public speech, to help build the democracy of human rights. We are actors and authors of a European part of this very modern story.
At the beginning of the eighties, we were a handful of “little red judges” who set out to unite the few associations of progressive magistrates of the time around a common project.”
Driven by his exceptional human dimension and his immense culture, our association, which was then only a “weak newborn” quickly entered the history of Europe (then limited to the west).
Each of his writings, each of his speeches, made a rousing call for our voices of European judges deeply committed to safeguarding all fundamental freedoms and rights to be heard.
Each resonated as an implacable plea against all the powerful and all the obstacles to justice whose independence was proclaimed as a paramount democratic value.
Each sounded like an exhortation for human justice that cared for the most vulnerable.
And his unrivalled flamboyant style meant that no one could remain indifferent to his messages.
After the end of his presidency, Christian remained, for years, very present in the life of MEDEL, which had largely opened up to the East after the fall of the wall (MEDEL had acquired, on 6 March 1995, the status of consultative NGO in the Council of Europe).
All his interventions were, and remain, strong references for all of us.
Christian was a tireless advocate for the cause of justice in the context of his union and association activities, both national (creation of the Association Syndicale des Magistrats, ASM, in 1979) and international (besides MEDEL, he was a member of the “democratic jurists”, who work internationally for the implementation of the Charter of the United Nations).
He was also – and this probably explains it – an exceptional judge with a completely unusual career but also a judge apart in all its dimensions.
He joined the judiciary in 1978 after a few years at the bar (a necessary passage in Belgium) and served for 11 years as a judge and then for 13 years as a state councillor.
After holding this very high office, he ended his career in Grace-Hollogne, in the Liège region, as a justice of peace; in this working-class suburb, he has seen, for nearly 10 years, the cohorts of workers who are victims of restructuring, closures and dismissals in the steel industry.
And this social dimension of the function of judge was so important to him that even before he was in office, he wanted to get to know his territory, to realize the social and economic reality on the ground.
He wanted justice closer to people, both geographically and humanly. He said, “You have to take the time to talk to people. Otherwise it’s all down to paper.” And his decisions could be read like stories.
Christian Wettinck’s thought invites us to continue more strongly than ever his reflections and actions to make justice a force for democracy, to give a high priority to the human being and to watch over the plight of the most vulnerable.
Our thoughts go today to all his loved ones, granting them our full support in this painful period.
FR —————————-
Nous venons d’apprendre, avec une grande tristesse, le décès, en date du 23 juin, de Christian Wettinck, magistrat honoraire belge, premier président de MEDEL fondée les 15 et 16 juin 1985 à Strasbourg (France).
Voici comment Christian Wettinck – président de 1985 à 1989- présentait la création de MEDEL:
« Longtemps les juges et procureurs sont restés loyaux, à quelques frondes près, aux pouvoirs successifs dont ils étaient les auxiliaires, drapés dans des apparats, destinés à inspirer la crainte au peuple, et silencieux. Ils n’ont alors eu guère plus d’histoire que les peuples analphabètes : quelques célébrations funèbres. L’histoire leur est venue quand ils ont pris les risques de l’association volontaire et de la parole publique critique, pour aider à construire la démocratie des droits de l’homme. Nous sommes acteurs et auteurs d’une partie européenne de cette histoire très moderne.
Nous étions, en ce début des années quatre-vingts une poignée de « petits juges rouges » qui se mit en tête d’unir les rares associations de magistrats progressistes de l’époque autour d’un projet commun ».
Sous l’impulsion de son exceptionnelle dimension humaine et de son immense culture, notre association qui n’était alors qu’un « faible nouveau-né » entra très vite dans l’histoire de l’Europe (alors limitée à l’ouest).
Chacun de ses écrits, chacun de ses discours, composait un appel vibrant pour que soient entendues nos voix de magistrats européens profondément attachés à la sauvegarde de toutes les libertés et de tous les droits fondamentaux.
Chacun résonnait comme un plaidoyer implacable contre tous les puissants et toutes les entraves à la justice dont l’indépendance était proclamée comme une valeur démocratique primordiale.
Chacun retentissait comme une exhortation en faveur d’une justice humaine soucieuse des plus vulnérables.
Et son style flamboyant sans pareil faisait que nul ne pouvait rester indifférent à ses messages.
Après la fin de sa présidence, Christian resta, pendant des années, très présent dans la vie de MEDEL, qui s’était très largement ouverte vers l’Est après la chute du mur (MEDEL avait acquis, le 6 mars 1995, le statut d’ONG consultative auprès du Conseil de l’Europe).
Toutes ses interventions étaient, et demeurent, des références fortes pour nous tous.
Christian fut un défenseur inlassable de la cause de la justice dans le cadre de ses activités syndicales et associatives tant nationales (création de l’Association Syndicale des Magistrats, ASM en 1979) qu’internationales (outre MEDEL, il était membre des « juristes démocrates », qui oeuvrent au niveau international pour l’application de la Charte des Nations Unies).
Il fut également – et ceci explique sans doute cela- un juge exceptionnel au parcours entièrement à part mais aussi un juge à part entière dans toutes ses dimensions.
Entré dans la magistrature en 1978 après quelques années au barreau (passage obligé en Belgique) il occupa pendant 11 ans des fonctions de juge puis celles pendant 13 ans de conseiller d’Etat.
Après avoir occupé cette très haute fonction, il termina sa carrière à Grâce-Hollogne, dans la région liégeoise, comme juge de paix ; dans cette banlieue ouvrière, il a vu, pendant près de 10 ans, défiler les cohortes de travailleurs victimes des restructurations, des fermetures et des désengagements dans la sidérurgie.
Et cette dimension sociale de la fonction de juge était capitale pour lui au point qu’avant même d’exercer ses fonctions, il avait voulu faire connaissance avec son territoire, se rendre compte de la réalité sociale et économique sur le terrain.
Il voulait une justice plus proche des gens, à la fois d’un point de vue géographique et humain. Il disait « Il faut prendre le temps de parler avec les gens. Sinon tout se réduit à du papier. » et ses jugements se lisaient comme des histoires.
La pensée de Christian Wettinck nous invite à continuer plus fortement que jamais ses réflexions et actions pour faire que la Justice soit une force pour la Démocratie, donne une priorité forte à l’humain et veille au sort des plus vulnérables.
Nous pensons aujourd’hui, à tous ses proches que nous assurons de toute notre soutien en cette douloureuse épreuve
SALVATORE SENESE
Salvatore Senese left us. The Italian and European judiciaries owe him a lot. Salvatore was one of the founders of Magistratura Democratica, for which he served as General Secretary (1977-1981) and his clear perception of the importance of the European dimension of rights and jurisdiction fuelled the reflection that led to the founding of our association in Strasbourg on June 15, 1985. Salvatore was elected, together with Pierluigi Zanchetta, as a member of MEDEL’s board on behalf of Magistratura Democratica, during the first general meeting held in Paris on 29 November 1987, that adopted our Statute.
The Berlin Wall was still there, with Europe divided in two opposing blocks: there was no European Union but only Communities with more limited competences, and a small number of member countries. Anyone forecasting a common currency and the adoption of a Constitutional Treaty in the range of a few decades would have been considered as a dreamer, at best. Salvatore and our “founding fathers”, however, were not dreamers but visionaries, as was visionary the MEDEL Statute which included, among the goals of the association, “the establishment of a debate between the magistrates of different countries in order to support and promote European Community integration and the creation of a political union”.
In his home country Salvatore contributed in many functions to the advancement of the judiciary, as General Secretary of the Associazione Nazionale Magistrati and as member of the High Council of the Judiciary. Between 1992 to 2001 as a MP, he served as a member of Parliament, in both houses, elected as an independent candidate for the Partito Democratico della Sinistra. He ended his judicial career in 2010 as President of Section of the Court of Cassation.
Always committed to the protection of human rights, Salvatore was one of the founders of the Permanent Peoples’ Tribunal, which he was President for years.
A man of broad culture, Salvatore contributed with his reflections and judicial decisions to shape the constitutional legal culture of the post-war period.
In a hard time for the judiciary and the institutions to which he devoted his entire professional life, like the one in which we are currently living, Salvatore’s teachings are more essential than ever.
FR —————————-
Salvatore Senese nous a quittés. Les tribunaux italiens et européens lui doivent beaucoup. Salvatore a été l’un des fondateurs de Magistratura Democratica, dont il a été Secrétaire Général (1977-1981) et sa perception claire de l’importance de la dimension européenne des droits et de la juridiction a alimenté la réflexion qui a conduit à la fondation de notre association à Strasbourg le 15 juin 1985. Salvatore a été élu, avec Pierluigi Zanchetta, membre du conseil d’administration du MEDEL au nom de Magistratura Democratica, lors de la première assemblée générale tenue à Paris le 29 novembre 1987, qui a adopté notre Statut.
Le mur de Berlin était toujours là, l’Europe étant divisée en deux blocs opposés : il n’y avait pas d’Union Européenne mais seulement des Communautés ayant des compétences plus limitées, et un petit nombre de pays membres. Quiconque prévoyait une monnaie commune et l’adoption d’un traité constitutionnel de l’ordre de quelques décennies aurait été considéré comme un rêveur, au mieux. Salvatore et nos « pères fondateurs », cependant, n’étaient pas des rêveurs mais des visionnaires, tout comme le visionnaire statut de MEDEL qui incluait, parmi les objectifs de l’association, « l’établissement d’un débat entre les magistrats de différents pays afin de soutenir et promouvoir l’intégration de la Communauté Européenne et la création d’une union politique ».
Dans son pays d’origine, Salvatore a contribué dans de nombreuses fonctions à l’avancement de la magistrature, en tant que Secrétaire Général de l’Associazione Nazionale Magistrati et en tant que membre du Conseil Supérieur de la Magistrature. De 1992 à 2001, il a été député, dans les deux chambres, élu candidat indépendant du Partito Democratico della Sinistra. Il a mis fin à sa carrière judiciaire en 2010 en tant que président de section de la Cour de cassation.
Toujours engagé dans la protection des droits de l’homme, Salvatore a été l’un des fondateurs du Tribunal Permanent des Peuples, dont il a été le président pendant des années.
Homme de grande culture, Salvatore a contribué avec ses réflexions et ses décisions judiciaires à façonner la culture juridique constitutionnelle de l’après-guerre.
Dans une période difficile pour la magistrature et les institutions auxquelles il a consacré toute sa vie professionnelle, comme celle dans laquelle nous vivons actuellement, les enseignements de Salvatore sont plus essentiels que jamais.