Article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…)». Article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution».
2 745 juges et procureurs turcs ont été démis de leurs fonctions par le Haut Conseil des Juges et Procureurs (HCJP) le lendemain même de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. Nombre d’entre eux ont été emprisonnés de manière arbitraire avec leur famille. Aucune explication ne leur a été fournie sur les raisons de cette éviction et aucun droit de se défendre ne leur a même été reconnu.
Des avocats ont été arrêtés à Izmir au cours de la nuit du 20 juillet. Leurs appartements et cabinets auraient été fouillés et des documents saisis ; 14 autres avocats seraient actuellement activement recherchés par les forces de police turques. Plusieurs avocats ont déjà été poursuivis, le plus souvent sans avoir accès au dossier, certains restent détenus, sans avoir été jugés alors qu’ils assuraient la défense de leurs clients.
D’autres corps sont victimes d’une purge similaire, pour avoir exercé leurs fonctions : policiers, universitaires, journalistes.
Les organisations internationales de magistrats (Union Internationale des Magistrats, Association Européenne des Magistrats, MEDEL) et d’avocats (Union Internationale des Avocats, CIB et Observatoire International des Avocats en Danger) se sont mobilisées et ont exigé la libération immédiate des magistrats et avocats turcs et que cessent les atteintes à l’indépendance de la Justice.
Dans sa déclaration du 16 juillet 2016, l’Union Internationale des Magistrats a exhorté les autorités turques à respecter l’indépendance et l’inamovibilité des magistrats. Elle a demandé aux autorités internationales d’être particulièrement attentives à l’évolution de cette situation alarmante.
Dans une déclaration du 25 juillet 2016, l’Union Internationale des Avocats se dit « extrêmement alarmée par les purges en cours dans le monde judiciaire qui ont conduit à la suspension et à la révocation de milliers de juges, l’arrestation de centaines de juges de même que l’arrestation d’au moins 11 avocats prétendument impliqués dans la tentative de coup d’Etat ».
Le 19 juillet, des experts de l’ONU ont appelé fermement la Turquie à respecter l’indépendance de la Justice et à maintenir l’État de droit en rappelant que l’ordre constitutionnel ne sera rétabli que si la séparation des pouvoirs et les règles de droit sont respectées.
Nous exprimons notre plus vive inquiétude quant à l’indépendance de la Justice turque et à la volonté de récupération par le pouvoir turc de l’échec du coup d’État pour réaliser une véritable purge, aussi injustifiée qu’injustifiable, de la magistrature, de la fonction publique, du barreau et des media.
Il ne saurait y avoir d’Etat de droit sans garantie de l’indépendance du juge et de l’avocat.
Nous demandons solennellement aux autorités françaises et européennes de s’assurer de la sécurité et du respect des droits de toutes les personnes interpellées et incarcérées et à agir pour le respect de l’État de droit en Turquie.
Paris, le 25 juillet 2016