Tuesday, July 16, 2024

|MEDEL|

MEDEL letter to the French Minister of Justice

MEDEL sent a letter to the French Minister of Justice, on occasion of the French Presidency of the European Union.  

MEDEL a envoyé une lettre au Ministre de la Justice de France, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne.  

M Le Garde des sceaux, L’Etat français assume la présidence de l’Union européenne au moment où celle-ci est confrontée à l’une des crises les plus importantes de son histoire. Comme vous le savez, plusieurs Etats membres mènent aujourd’hui une véritable offensive contre les fondements humanistes du projet européen. En Pologne, en Hongrie, mais aussi en Bulgarie ou en Slovénie s’observe la dérive autoritaire de gouvernements qui, sous couvert de dénoncer les supposés diktats de Bruxelles, s’en prennent directement à l’Etat de droit et l’un de ses principaux piliers : l’indépendance de la Justice.

La commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne ont mis en œuvre des procédures de sanction pour s’opposer à cette dérive autoritaire, en particulier en Pologne. Mais sans l’intervention active des autres Etats membres – et notamment des plus influents d’entre eux

– les institutions européennes ne pourront pas, à elles seules, empêcher l’aggravation de la crise politique que nous traversons. C’est pourquoi la France, patrie des droits de l’homme, se doit de consacrer sa présidence de l’Union européenne au renforcement effectif de l’Etat de droit. Mais si elle veut être crédible dans cette entreprise, si elle veut éviter toute accusation de duplicité de la part des gouvernements autoritaires aujourd’hui sanctionnés par la Cour de Luxembourg, la France devra commencer par mettre un terme aux atteintes à l’Etat de droit observées sur son propre territoire.

Alors que le budget alloué aux juridictions françaises reste inférieur à la moyenne des pays du continent, le gouvernement français devrait ainsi s’engager à le porter enfin au niveau qui devrait être celui de la deuxième puissance économique européenne. Alors que vient d’être installé un procureur européen complétement indépendant, la France devrait également garantir l’indépendance de ses procureurs pour qu’enfin ils puissent être regardés comme « magistrats » au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Alors que l’Etat français a été condamné le 30 janvier 2020 par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de la violation systémique du droit à la dignité des personnes détenues, l’Etat français devrait s’engager à mettre fin à la surpopulation endémique de ses prisons, source de graves violations des droits humains et d’aggravation de la violence sociale. Il devrait également réviser en profondeur sa politique d’accueil des personnes migrantes pour veiller au respect de leurs droits fondamentaux, en particulier ceux des enfants et promouvoir, au sein de l’Union européenne, une politique plus respectueuses du droit d’asile et des droits fondamentaux des exilés.

Alors qu’en 2019, la commissaire aux droits humains de l’ONU et son homologue du Conseil de l’Europe ont successivement pointés les atteintes graves et persistantes à la liberté de manifestation et d’expression commises par les autorités répressives, la France devra veiller à améliorer sa politique de prévention et de lutte contre les abus dans l’exercice de la force et à garantir à tous les citoyens le droit à la sûreté.

Enfin, alors que de nombreux candidats à l’élection présidentielle indiquent ouvertement vouloir suivre l’exemple des autorités polonaises dans leur refus de faire appliquer les décisions des Cours européennes, la France devra réaffirmer sans ambivalence son attachement à la primauté du droit de l’Union européenne et du droit européen des droits de l’homme.

Parce qu’elle a une responsabilité historique dans la défense de l’Etat de droit, la France dispose d’une opportunité unique de faire de la crise politique que nous traversons l’outil d’une transformation démocratique de l’Union européenne, qui doit cesser d’être « l’Europe des marchands » pour devenir l’instrument du renforcement continu des libertés.

Fédération rassemblant 24 organisations de juges et de procureurs, représentant 18 000 magistrats de 16 pays européens1, MEDEL se tient prêt à soutenir et accompagner tous les efforts du gouvernement français dans cette direction. Je me tiens à votre entière disposition pour échanger avec vous sur ces sujets.

Dans cette attente, je vous prie d’agréer, M le Garde des sceaux, l’expression de mes salutations respectueuses et dévouées,

Filipe Marques 
Président
Magistrats européens pour la Démocratie et des Libertés

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1 Belgique, Bulgarie, Chypre, République tchèque, France, Allemagne, Grèce, Italie, Moldavie, Monténégro, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie, Espagne et Turquie.

 


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