Depuis plusieurs années, le système judiciaire en Tunisie fait l’objet d’attaques constantes: l’indépendance de la justice a été gravement compromise en raison de la dissolution du CSM et de la révocation arbitraire de 57 magistrats, laquelle a été maintenue malgré une décision d’un tribunal administratif ordonnant leur réintégration.
Par deux déclarations en 2022, MEDEL avait affirmé son engagement à continuer à se mobiliser aux côtés des magistrats tunisiens, des avocats de plus en plus menacés et de tous ceux qui aspirent à un avenir serein dans la plénitude d’une démocratie[1].
Les atteintes aux institutions garantes de la démocratie sont devenues de plus en plus alarmantes, comme l’ont dénoncées de nombreuses autorités internationales[2] ; elles ont conduit au démantèlement des garanties institutionnelles de l’État de droit ainsi qu’à des restrictions injustifiées à l’exercice légitime des droits à la liberté de réunion pacifique et d’association des juges et des avocats.
Dans le sombre inventaire de cette dérive autoritaire, il faut inclure les rapports faisant état de graves violations des droits humains à l’encontre de migrants, de réfugiés et de victimes de la traite lors d’opérations de recherche et de sauvetage et de transferts vers les zones frontalières[3].
L’UE, qui après 2011 avait apporté son appui à la réforme de la justice en Tunisie, ne réagit pas sérieusement face à ce brouillard autocratique qui est tombé sur ce pays. Aujourd’hui, elle met la question migratoire au premier rang de ses relations avec la Tunisie, débloque des fonds importants et signe un mémorandum d’entente qui ne contient aucune indication concrète sur la mise en place de garanties des droits humains[4].
C’est pourquoi MEDEL, tient, une nouvelle fois, à réagir publiquement à l’inquiétante situation tunisienne et, partageant les différents appels concernant la justice :
* dénonce la désorganisation profonde de la justice en Tunisie par de nombreuses atteintes aux principes d’indépendance et de séparation des pouvoirs ainsi que par la volonté de réduire au silence les magistrats et les avocats ;
* demande que toutes les dispositions soient prises pour installer une justice indépendante et garantissant le droit à un procès équitable ;
* demande la cessation des procès et poursuites disciplinaires arbitraires contre les magistrats ainsi que la réintégration de ceux arbitrairement révoqués ;
– d’une façon générale, demande la libération immédiate de toutes les victimes de répression arbitraire et la cessation de tous les procès inéquitables en cours.
En raison du rôle essentiel de la justice pour la protection des droits humains, MEDEL dit que :
* l’UE ne saurait contracter ou maintenir des accords relatifs aux migrants avec la Tunisie tant que le respect des principes fondamentaux ne seront pas respectés dans ce pays ;
* d’une façon générale, le « partenariat privilégié » avec la Tunisie ne saurait se perpétuer dans de telles conditions.
MEDEL continuera à se mobiliser aux côtés des magistrats et des avocats tunisiens et de tous les démocrates de ce pays pour l’avènement d’une justice indépendante et une défense libre dans le cadre d’une restauration du processus de démocratie en Tunisie.
21.11.24
[1] https://medelnet.eu/threat-to-the-independence-of-justice-in-tunisia-we-must-not-abandon-the-cause-of-democratic-justice-in-tunisia/; https://medelnet.eu/statement-on-the-developments-on-the-tunisian-judiciary/
[2]Tunisie : les ingérences dans le système judiciaire et le harcèlement des avocats doivent cesser (experts) https://news.un.org/fr/story/2024/05/1146071 ; Tunisie. Les autorités doivent mettre un terme à l’érosion de l’indépendance de la justice Tunisie https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/05/tunisia-authorities-must-end-erosion-of-judicial-independence/ ; Tunisie : Solidarité internationale avec les avocates contre le retour à la dictature La FIDH lance un comité de soutien international aux libertés en Tunisie ; Résolution de l’UIM pour la Tunisie, Octobre 2024 Resolution-Tunisie_Cape-Town-FR.pdf
[3] Tunisie : des experts de l’ONU dénoncent des abus et des manœuvres dangereuses lors de l’interception de migrants en mer | ONU Info
[4] https://www.coe.int/en/web/commissioner/-/european-states-migration-co-operation-with-tunisia-should-be-subject-to-clear-human-rights-safeguards
——————- (EN)
Tunisia: there is no longer an independent judiciary
For a few years the judiciary in Tunisia has been under constant attack: judicial independence has been seriously undermined by the dissolution of the CSM and the arbitrary dismissal of 57 magistrates, which was upheld despite an administrative court ruling ordering their reinstatement.
In two statements in 2022, MEDEL affirmed its commitment to continue to mobilise alongside Tunisian judges, lawyers, who are increasingly under threat, and all those who aspire to a peaceful future in a full democracy[1].
The attacks on the institutions that guarantee democracy have become increasingly alarming, as denounced by numerous international authorities[2]; they have led to the dismantling of the institutional guarantees of the Rule of law and to unjustified restrictions on the exercise of the rights of judges and lawyers to freedom of peaceful assembly and of association.
Reports of serious human rights violations against migrants, refugees and victims of trafficking during search and rescue operations and transfers to border areas[3] must be included in the sombre inventory of this authoritarian drift.
The EU, which supported judicial reform in Tunisia after 2011, is not reacting seriously to the autocratic fog that has descended over the country. Today, EU is putting the migration issue at the forefront of its relations with Tunisia, releasing substantial funds and signing a memorandum of understanding that contains no concrete indication of the introduction of human rights guarantees[4].
MEDEL therefore wishes once again to react publicly to the worrying situation in Tunisia and, while sharing the various appeals concerning Justice:
* denounces the massive upheaval of the judicial system in Tunisia caused by numerous attacks on the principles of independence and separation of powers, as well as measures to silence magistrates and lawyers;
* calls for all measures to be taken to establish an independent judiciary guaranteeing the right to a fair trial;
* calls for an end to arbitrary trials and disciplinary proceedings against magistrates and the reinstatement of those arbitrarily dismissed;
– in general, calls for the immediate release of all victims of arbitrary repression and an end to all unfair trials currently under way.
In view of the essential role of justice in the protection of human rights, MEDEL states that:
* the EU cannot enter into or maintain agreements with Tunisia relating to migrants as long as fundamental principles are not respected in this country;
* the ‘privileged partnership’ with Tunisia cannot continue under such conditions.
MEDEL will continue to work alongside Tunisian judges, lawyers and all democrats in the country for an independent judiciary and a free defence as part of the process of restoring democracy in Tunisia.
21.11.24
[1] https://medelnet.eu/threat-to-the-independence-of-justice-in-tunisia-we-must-not-abandon-the-cause-of-democratic-justice-in-tunisia/; https://medelnet.eu/statement-on-the-developments-on-the-tunisian-judiciary/
[2]Tunisia: Interference in the judicial system and harassment of lawyers must stop (experts) https://news.un.org/fr/story/2024/05/1146071; Tunisia. The authorities must put an end to the erosion of the independence of the judiciary Tunisia https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/05/tunisia-authorities-must-end-erosion-of-judicial-independence/; Tunisia: International solidarity with women lawyers against a return to dictatorship FIDH launches an international support committee for freedoms in Tunisia; UIM Resolution for Tunisia, October 2024 Resolution-Tunisie_Cape-Town-EN.pdf
[3] Tunisia: UN experts denounce abuses and dangerous manoeuvres during the interception of migrants at sea | ONU Info
[4] https://www.coe.int/en/web/commissioner/-/european-states-migration-co-operation-with-tunisia-should-be-subject-to-clear-human-rights-safeguards
Statement in French language (.pdf, 150kB)
Statement in English language (.pdf, 150kB)